Il était une fois, au temps ou la magie parcourait encore le monde, telle un fil enchanté liant toutes ses merveilles, une contrée de légende, où, un jour, des destinées devaient s’entremêler pour rester dans l’histoire.
Cependant, la légende n’était encore pas née dans l’histoire que je vais vous conter ce matin. Et ceux qui devaient la construire n’étaient encore que des enfants. Ceci est l’histoire d’un jour de neige. Perdue derrière la légende, conte oublié derrière le mythe.

Lorsque Morgana s’éveilla ce matin là, l’air hivernal était plus froid qu’à l’accoutumée. Un courant glacé s’infiltra dans sa chambre alors que la porte s’ouvrait pour laisser entrer sa jeune suivante et vint se perdre sur sa peau. Elle frissonna.

En ce redressant, elle lança un sourire à Guenièvre qui le lui rendit timidement. La jeune fille devait avoir une ou deux années de moins que Morgana et elle n’était à son service que depuis quelques jours, sa mère avait été emportée par la maladie, d’après ce que la pupille du roi avait entendu dire par Léon, elle fouilla quelques secondes dans l’armoire avant d’apporter à sa maîtresse un manteau d’intérieur qu’elle lui enfila alors que celle ci se levait.
Morgana s’approcha de la fenêtre ouverte d’où s’échappait des rafales d’air gelé, au dehors, la neige avait envahit le décor. En contrebas, dans la cour du château, le prince était déjà préparé et jouait tranquillement à envoyer valser la poudre blanche devant ses pieds du bout de sa botte. Le jour de son anniversaire était certainement l’unique jour de l’année où Arthur n’était pas agaçant. La pensée lui ôta cependant le sourire. Qui savait ce qu’il se passait dans la tête du prince ce jour là ? Chaque année ?

Distraitement, elle attrapa l’une des roses qui décoraient sa commode et joua distraitement à la faire tourner entre ses doigts, concentrée sur Arthur, dont les cheveux blonds menaceraient bientôt de devenir blanc, recouverts de neige. Un petit cri lui échappa alors que l’épine de la rose s’enfonçait dans son doigt et elle lâcha avec un cri la fleur, qui tomba vers la cour. Une petite tâche rouge s’étala dans la neige, sur le rebord de sa fenêtre et elle soupira, affligée par sa maladresse. Elle se retourna pour voir si Gwen était encore dans les environs mais celle ci était partie avec les draps de son lit.

Alors qu’un nouveau frisson la parcourait, son regard fût attiré vers la tâche rouge pour voir avec stupeur que celle ci avait disparue, remplacée par un bouton de rose, rouge sanguin, à moitié enfouie sous la neige… Un mélange fascinant de peur et d’émerveillement l’envahit alors qu’elle approchait la main pour attraper la fine fleur entre ses doigts. Le miracle criait magie. Pourtant, c’est avec douceur qu’elle referma la main autour de la rose en repoussant le battant de la fenêtre.

Elle tourna longtemps le bouton de rose entre ses doigts, observant du coin de l’œil la jeune servante qui s’affairait dans sa chambre à ce que tout soit en ordre, le visage figé d’un air sérieux et grave qui ne lui allait pas du tout. Morgana songea qu’elle n’avait pas envie que quelqu'un, qui que ce soit, soit triste. En particulier connaissant parfaitement la sensation de vide si familière qu’elle ressentait chaque année à la date anniversaire de la mort de son père. Enfin, alors que Guenièvre terminait d’allumer un feu dans la cheminée, elle s’approcha avec douceur d’elle et lui tendit la fleur avec un large sourire.

- Celle ci est pour toi.

Dans le sourire innocent et un peu moins sauvage que Gwen lui adressa en prenant la fleur qui lui était tendue, Morgana pouvait déjà le voir, et c’était plus clair qu’aucun de ses cauchemars, Gwen serait une amie bien plus qu’une servante a son cœur.

Dans ses vêtements de cérémonie, le jeune prince se sentait étouffer. La table était pleine de mets délicieux il pouvait le sentir au travers de la porte encore fermée, et tout avait été préparé pour que chacun s’amuse, pour qu’il s’amuse. Mais il ne souhaitait rien de plus que de retrouver ses appartements en cet instant. Le silence apaisant d’être seul. Avoir le droit d’être Arthur et non le prince Arthur. Cela deviendrait impossible dès qu’il poserait le pied dans la salle.

Arthur n’aimait pas le jour de son anniversaire, parce que c’était celui qui lui rappelait le plus cruellement que sa mère n’était plus là. Qu’elle n’avait jamais eut l’occasion d’être là.

Alors qu’il frissonnait son regard se posa d’instinct sur le ciel au travers des larges vitres du château. La neige qui tombait paraissait grise en comparaison avec la blancheur aveuglante du ciel. Arthur l’avait souvent remarqué. La neige paraissait toujours grise lorsqu’il regardait le ciel.

Il sentit une main se poser sur son épaule et son regard rencontra les yeux vers de Morgana qui le fixait d’un air embarrassé. Il aurait voulu la faire partir à l’aide d’une réplique cinglante, mais aucune ne lui vint à l’esprit.

- La neige… murmura-t-il à la place. Quand tu la regarde tomber du ciel, elle est si sombre.
- Alors regarde la se poser au sol, c’est plus joli blanc que gris la neige ! Répondit-t-elle en lui souriant amicalement.

A la vitesse d’un éclair, elle déposa un baiser sur sa joue et le dépassa à toute vitesse pour entrer dans la pièce de banquet. Mais alors qu’elle passait à ses côtés, il était certain d’avoir entendu.

- Joyeux Anniversaire Arthur.

Le jour de son anniversaire était le seul où Morgana ne l’agaçait pas. Il sourit à son tour et la suivit.

- Will !

Lorsque le cri retentit dans le village encore silencieux d’Ealdor, l’aube pointait à peine à l’Est. Un petit garçon d’environ huit ans aux cheveux noirs traversa la rue comme une furie, criant le nom de son aîné.

- Will ! Will !

Il glissa brutalement et atterrit sur les fesses devant la porte qui s’ouvrit presque immédiatement sur un garçon à peine plus âgé apparemment prêt à sortir qui l’observa en baillant.

- Will, il a neigé !
- Merlin il est…

Tôt n’était pas le mot finalement. Mais le dénommé Will abandonna en apercevant le sourire naïf qui illumina les traits de l’enfant qui se remit sur ses pieds immédiatement.

Quelques instants plus tard, Will avançait à grands pas vers le bois, le fils d’Hunith sur ses talons, bien décidé à l’aider. Merlin chercha des yeux du bois qui n’aurait pas été mouillé, laissant Will s’enfoncer un peu plus profondément sous le couvert des arbres. Il n’y avait rien au sol, et même les plus basses branches des arbres étaient bien trop hautes pour qu’il les atteigne. Alors qu’une idée émergeait dans son esprit, ses yeux virèrent au doré et de petites branches tombèrent soudain de l’arbre qu’il fixait pour venir se poser à ses pieds.
Un air satisfait envahit son visage alors qu’il ramassait son bois. Il se mit à courir entre les arbres pour rapporter sa trouvaille à son ami. Il ne vit pas la racine qui dépassait du sol alors qu’il se rapprochait du fils du chef du village. Il ne comprit pas plus tout de suite ce qu’il se passait lorsque son pied la heurta et qu’il bascula en avant.
Il se redressa, gêné, en se mordant la lèvre. Cette fois, c’était sûr, le bois était mouillé. Il sourit d’un air embarrassé en ramassant une Pomme de Pin survivante, encore accrochée sur l’une des branches qu’il avait apporté et il la tendit à son Will. Il était couvert de neige, certainement trempé.

Son ami l’observa quelques instant avant de partir d’un fou rire incontrôlable.

Quelques minutes plus tard, le bois déjà ramassé en sécurité dans un coin sec au pied d’un arbre, les deux enfants se roulaient dans la neige en riant. Une boule de neige vola soudain vers Will qui riposta en brassant un tas de poudreuse avec ses mains, les envoyant vers Merlin. Les hostilités continuèrent encore plusieurs minutes, dans les cris et les rires avant que le silence revint. Allongés dans la neige en silence, ils étaient tout deux trempés jusqu’aux os. Will observa la pomme de pin qui gisait a quelques centimètres de lui. Il sourit et l’attrapa, la serrant délicatement entre ses doigts.

- Merci de ton aide Merlin.

A ces mots, celui ci repartit d’un rire clair. Tellement sincère que, même les yeux fermés, Will pouvait presque voir le sourire qui déformait joliment ses traits d’enfants.

Fin.